Séminaire de l’Académie des Controverses et de la Communication Sensible : « Le rôle de l’argument scientifique en communication sensible »

Il y a deux semaines se tenait le séminaire annuel de l’Académie des Controverses et de la Communication Sensible dont je suis le Secrétaire Général. J’en profite donc pour partager ici la synthèse de la journée (publiée ici originellement) !

22 octobre 2019 – Fondation Charles Leopold Mayer

Mardi dernier, plus d’une cinquantaine de participants et intervenants – étudiants, chercheurs, professionnels de la communication et des médias, associatifs et citoyens – se sont retrouvés à l’occasion de la journée consacrée au rôle de l’argument scientifique en communication sensible co-organisée par l’ACCS et le CARISM. Résumé d’une journée riche en échanges et en intelligence !

Lors de son introduction de la journée, le Président de l’ACCS, Thierry Libaert, a tenu à rappeler les enjeux de l’Académie : « créer un espace de dialogue et d’échange entre les chercheurs et les professionnels autour des sujets de la communication sensible ». Il a ensuite cédé la parole à Jean-Pascal van Ypersele, Professeur de climatologie à l’Université Catholique de Louvain, ancien vice-Président du GIEC, pour la conférence d’ouverture consacrée à « L’argument scientifique dans les controverses climatiques ». L’occasion pour lui de rappeler l’importance de la communication des experts sur cet enjeu tout comme de dénoncer le travail de sape entrepris par certains lobbies et les « semeurs de doute » climatiques.

La première table ronde de la matinée, animée par Bernard Motulsky (UQAM), a réunis quatre chercheuses et chercheurs autour de la thématique « Science, argumentation et controverses ». Juliette Rouchier (LAMSADE – PSL) a ouvert la journée avec la question de comment rendre un argument « scientifique » en s’appuyant notamment sur le cas des boues rouges dans les calanques de Marseille. Cyrille Bodin (LISEC – UNISTRA) a par la suite présenté l’histoire et les positions du mouvement zététique, notamment son rejet fort d’une partie des sciences humaines et sociales. Enfin, la table ronde s’est clôturée par la présentation d’Alice Friser (UQO) qui a montré comment la science est mobilisée dans une stratégie de minimisation ou d’évitement des controverses.

La deuxième table ronde de la journée, modérée par Thierry Libaert avait pour enjeu de questionner le rôle des « Scientifiques et experts dans les controverses scientifiques et les polémiques médiatiques ». A cette occasion, Stéphanie Yates (UQAM) a présenté lerecours à l’expertise, aux arguments scientifiques et aux chercheurs dans la lutte contre un projet uranifère au Québec. Arnaud Mercier (CARISM – Paris 2) a pour sa part fait un retour sur le cas de la Caulerpa Taxifolia en Méditerranée et notamment comment la science a été instrumentalisée pour échapper à une responsabilité civile dans un problème écologique. Les chercheurs de l’UQAM, Olivier Turbide et Thomas Maxwell ont à leur tour présenté un travail d’analyse du discours très précis sur les fonctions de l’argument d’autorité de nature scientifique dans différents contextes de controverses environnementales. Enfin, la matinée s’est clôturée par une présentation des collègues Simona De Iulio et Susan Kovacs (Université de Lille – GERiiCO) autour de l’utilisation de la science dans l’éducation à l’alimentation, du Programme national nutrition santé (PNNS) au débat sur le nutri-score.

Après la pause déjeuner, la première table ronde de l’après-midi a été consacrée aux « OGM, pesticides et substances cancérigènes : quand la science devient affaires » et animée par François Allard-Huver (CREM – Université de Lorraine). Gaëlle Le Dref (Université de Lorraine) a montré la mobilisation et l’usage des théories évolutionnistes dans les controverses sociotechniques sur les OGM agricoles. Laurence Huc (INRA) a partagé par la suite son expérience sur le difficile travail de classification d’un produit chimique comme substance cancérigène et les multiples acteurs qui cherchent à influer sur ce processus notamment pour des polluants industriels ou les pesticides. Ensuite, Fanny Domenec (Paris 2) a rappelé l’utilisation des arguments scientifiques et d’autres tactiques discursives dans la communication sur l’affaire Séralini, notamment dans les lettres aux éditeurs. Enfin, Nicolas Vanderbiest a conclu la table ronde en présentant une cartographie de l’activité sur twitter autour du glyphosate et les différents arguments mobilisés par les internautes actifs sur cette thématique.

La dernière table ronde de la journée, modérée par Arnaud Mercier était consacrée au : « point de vue des professionnels de la communication ». Pierre-Loïc Nihoul (Octavius) et Thibaut De Norre, (consultant indépendant) ont présenté différentes solutions pour accompagner la publication des travaux scientifiques dans les médias et renforcer la relation entre les chercheurs et les parties-prenantes. Dans une perspective similaire, Elizabeth Hirst (Université McGill) a rappelé quelques bonnes pratiques pour parler expertises et science avec le grand public et plus spécifiquement dans un contexte d’incertitude scientifique. Enfin, la journée s’est achevé avec une ouverture d’Emmanuel Bloch (Thales) sur la question de la RSE et de l’utilisation de la science dans des sujets sensibles par les grandes entreprises.

La conclusion générale a été assurée par Bernard Motulsky, François Allard-Huver et Arnaud Mercier qui ont tenu à remercier le public pour les échanges passionnants avec les intervenant.e.s tout comme les partenaires du séminaire pour leur soutien : le laboratoire Protagoras, la Chaire des relations publiques et communication marketing de l’UQAM, le CARISM, le think-tank La Fabrique Ecologique, la Revue Politique, la Fondation Nicolas Hulot, la Fondation Charles Leopold Mayer et l’agence Sidièse.

La synthèse à télécharger ici (en pdf)