Séralini, Monsanto & oeufs contaminés au fipronil : retour sur deux affaires.

En ce début d’automne – passé l’agitation d’une rentrée universitaire chargée et très particulière – retour sur deux articles qui viennent de paraître (et une petite surprise à la fin). Bonne lecture !

Gilles-Éric Séralini ou la transgression des médiations « traditionnelles » du savoir ?

Revue française des sciences de l’information et de la communication, n°20.

Gilles-Éric Séralini est un biologiste français connu pour ses prises de position radicales contre les OGM et les pesticides, en particulier le glyphosate. En 2012, la publication d’un de ses articles a causé une importante controverse scientifique associée à une très forte polémique médiatique : « l’Affaire Séralini ».

Dans cet article j’interroge le traitement médiatique de « l’Affaire Séralini », tout comme les stratégies de publicisation et de médiatisation originales adoptées par Gilles-Éric Séralini et critiquées de nombreux chercheurs et journalistes. Au-delà d’une transgression possible des médiations traditionnelles du savoir, nous observons également les stratégies de communication sensible déployées par Monsanto pour faire retirer l’article tout comme les répercussions de l’affaire sur la figure du chercheur dans les médias et la communauté scientifique.

Ce texte s’appuie en partie sur mes travaux de thèse tout comme sur l’analyse d’une partie du corpus des fameux « Monsanto Papers« . On y découvre comment, au-delà de la controverse scientifique, c’est essentiellement la manière dont le chercheur a publié ses travaux qui a créé la polémique et a conduit une partie de la communauté scientifique et des médias à boycotté le travail du biologiste de Caen.

L’article sur le site de la RFSIC : Gilles-Éric Séralini ou la transgression des médiations « traditionnelles » du savoir ? 


Savoirs, dispositifs et médiations des risques alimentaires : le scandale des œufs contaminés au fipronil.

Les Enjeux de l’Information et de la Communication, Supplément 2020 A.

Dans un contexte où les controverses et crises sanitaires liées à l’alimentation augmentent, on observe une méfiance croissante des consommateurs envers la qualité des aliments et les risques alimentaires. En m’appuyant sur les théories en communication des organisations autour des dispositifs, la communication de crise et les risques, j’observe les différents niveaux d’agencement des savoirs produits autour de l’alimentation.

Pour ce faire, ce travail interroge précisément les différents niveaux et moyens de réponse déployés dans le cadre d’une crise alimentaire, celle du « scandale des œufs contaminés au fipronil » à l’été 2017. Face à une critique importante de la réponse institutionnelle, d’autres acteurs, notamment l’ONG foodwatch proposent leur propre réponse et construisent de nouveaux dispositifs autour de l’enjeu d’une transparence accrue.

Cet article m’a donné l’occasion d’analyser la communication gouvernementale autour d’un scandale alimentaire le temps d’une crise. Ici, c’est le défaut d’empathie envers les citoyens et l’intérêt porté prioritairement aux acteurs économiques qui permet à d’autres acteurs, plus proches des consommateurs, de donner une information à la hauteur de la tromperie subie.

L’article sur le site de la revue Les Enjeux : Savoirs, dispositifs et médiations des risques alimentaires : le scandale des œufs contaminés au fipronil.


Bonus sonore

Podcast « Les mots de la science » : E comme expert·e

Les mots de la science.

François Allard-Huver, Université de Lorraine

Anthropocène, coronavirus, intelligence artificielle, essentialisation, décroissance… Ce jargon vous dit quelque chose, bien sûr ! Mais nous utilisons parfois, souvent, ces mots sans bien savoir ce qu’ils veulent dire. Dans l’émission Les mots de la science, nous revenons donc sur l’histoire et le sens de ces mots clés avec des chercheuses et chercheurs capables de nous éclairer.

Nous dédions cet épisode au concept d’expert·e, qui s’est imposé à partir des années 1980 au risque de venir remplacer les termes de chercheur et chercheuse. Ce glissement n’a rien d’anodin, comme nous l’explique François Allard-Huver, chercheur en sciences de l’information et de la communication au CREM (centre de recherches sur les médiations) à l’université de Lorraine. L’expert·e est celui ou celle dont on attend qu’il·elle vienne éclairer le débat public ou la prise de décision politique à l’instant T, avec un avis si possible tranché, ce qui l’éloigne sensiblement de la méthode scientifique. Il appartient aux scientifiques, souligne François Allard-Huver, exemples à l’appui, de garder leur liberté de parole et « le courage de la vérité », au-delà du bruit médiatique et politique.

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L’émission « Les mots de la science » est animée par Iris Deroeux, journaliste à The Conversation, notamment en charge de la rubrique Fact check US dédiée à la politique américaine.

François Allard-Huver, Maître de conférences, Université de Lorraine

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.