Vos diesels polluent trop ? L’huile de palme plombe vos ventes ? Les œufs de vos fournisseurs n’ont plus la cote ? Vos centrales thermiques contribuent trop au réchauffement climatique ?
Pour faire oublier aux consommateurs ces accrocs, quelques astuces – que les mauvaises langues qualifient de « greenwashing » voire d’« écoblanchiment » – peuvent permettre d’assurer un beau bilan commercial, à défaut d’un beau bilan carbone.
Après plusieurs années de repli, ces pratiques qui lavent plus vert sont de retour et ont su se faire une place de choix dans les stratégies commerciales et publicitaires des marques et des entreprises.
Ce fut particulièrement le cas au moment de la COP21, cette grand-messe climatique organisée par les Nations unies fin 2015 ; le greenwashing ne manqua pas de s’inviter au cœur des négociations, malgré quelques tentatives de dénonciation.
Ces stratégies visant à verdir les produits sont tout particulièrement utilisées dans le design des produits, l’emballage ou encore les arguments publicitaires. Petit tour d’horizon.
Du vert ou du bleu
Première astuce cosmétique, il suffit de changer l’emballage de votre produit en adoptant les couleurs qui sont le plus souvent associées au développement durable, soit le vert et le bleu.
Le vert est une couleur de choix, passée de couleur honnie au théâtre à celle universellement associée à l’écologie, comme le rappelle l’historien Michel Pastoureau. D’un point de vue sémiotique, il ne s’agit que d’un changement d’apparence : pas besoin de modifier le fond et donc les pratiques, même si vous pouvez accompagner ce glissement par quelques messages ciblés. Par exemple, changez votre logo, mettez quelques salades au menu, et vous passerez du statut du champion de la malbouffe à celui d’échanson de la consommation responsable.
La touche de vert peut être minime : dans le greenwashing, pas besoin d’en faire beaucoup pour s’en vanter un maximum. Attention cependant à ne pas abuser des mots « verts » ou « éco » car la sanction peut s’abattre sous la forme d’un buzz négatif, comme ce fut le cas pour Henkel avec sa lessive Le Chat.
Un nom dans l’air (pur) du temps
Fini l’ère des noms en « OO » comme Wanadoo, Yahoo ou Google qui permettaient automatiquement de rendre votre marque cool. L’ère est aux « éco », « cloud », « pure », « blue », « green » et surtout au « nature » et au « bio ». Un ressort efficace de votre communication quasi-durable qui ne coûte pas cher !
Il suffit ainsi de mentionner que votre lessive est « éco » – même si elle n’a pas l’éco-label européen, que votre yaourt est « bio » même s’il ne contient pas de fruits bios ou que votre jambon est « 100 % naturel » même s’il ne l’est que vaguement et qu’il est bourré de produits chimiques.
Un beau label (qu’on a inventé soi-même)
En associant une palette de couleurs plus « green » et un nom à consonance « éco », vous pourrez créer et vous attribuer un label fabriqué de toutes pièces. Pas besoin en effet de se faire labelliser par une ONG ayant pignon sur rue, de faire de vrais efforts, de passer vos produits au crible d’une batterie de tests. Ou bien encore de devoir baisser les émissions toxiques de vos moteurs… comme le pratiquent les constructeurs automobiles qui sont les spécialistes des labels autoproduits : Renault avec son Eco, une belle couleur verte et une feuille qui rappelle la nature, ou la variante « bleue » avec le Bluemotion de Volkswagen.
Attention cependant à ne pas vous faire attraper lorsque vous « bidouillez » vos tests car la sanction pourra être plus que communicationnelle et la note lourde.
Si vous ressentez cependant le besoin de vous faire labelliser par un organisme extérieur au-dessus de tout soupçon, comme WWF ou Max Havelard, sachez tout de même que ce type de label ne vous met pas automatiquement à l’abri des tactiques de certaines ONG, comme Greenpeace.
Un produit « sans », c’est toujours bien
Pour plaire, il faut savoir également se départir de certains composants qui n’ont plus la cote. Le gouvernement interdit le Bisphenol À ? N’hésitez pas à bien indiquer que vos produits n’en contiennent pas, sans en dire trop sur les substituts, parfois pires et aux effets méconnus.
Pour ce qui concerne les cosmétiques, n’hésitez pas à indiquer les mentions « sans parabène, sans parfum, sans conservateurs » pour pouvoir utiliser par la suite d’autres ingrédients ayant le même effet mais n’entrant pas dans la catégorie concernée.
Dans la même veine, vous pourrez dire qu’aucun animal ne rentre dans la composition de vos cosmétiques tout en continuant à les tester sur des animaux. Tout est dans la sémantique.
Cette astuce n’est cependant pas sans risque. Et EDF s’est ainsi vu sanctionné pas moins de trois fois pour avoir eu recours à des abus de langages et autres éléments trompeurs dans ses communications. La dernière condamnation portait sur l’association subtile de l’image d’une centrale nucléaire à celle d’une cascade, promettant une énergie « 98 % sans émission de carbone »… oubliant ainsi de préciser qu’elle comprend 100 % de déchets nucléaires.
Faire peu, s’en vanter beaucoup
L’ère du greenwashing est au « moins, c’est mieux ». Même si vos actions « environnementales » ont un impact limité, voire inexistant, il ne faut pas hésiter à construire toute votre campagne de communication sur ces petits exemples.
Si vous parvenez ainsi à intégrer la somme folle de « 4 % de piles recyclées » dans vos piles rechargeables, n’hésitez pas à parler de « super-pouvoirs » et à vous permettre un beau design bleu vert et le label (auto-attribué) « EcoAdvanced ».
Par ailleurs, si vous vendez quelques vêtements contenant un peu de coton « conscient » dans vos magasins, n’hésitez pas à vous affirmer en marque éco-responsable, sans trop avancer de chiffres. Vous veillerez, bien sûr, à panacher l’ensemble des astuces et ne pas hésiter à les combiner les unes avec les autres pour maximiser les effets !
Et si vous souhaitez renoncer au greenwashing, les travaux coordonnés par Thierry Libaert sur La Communication environnementale, et l’ouvrage de Yonnel Poivre-Le Lohé, De la publicité à la communication responsable, pourront vous sans aucun doute vous (éco)inspirer.
François Allard-Huver, Chercheur associé en communication, Celsa Paris-Sorbonne – Sorbonne Universités
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.